Vendeur ou manager commercial, vous vous êtes souvent demandé pourquoi, avec une offre aussi attractive, une proposition si travaillée et si pertinente, répondant en tous points aux attentes exprimées, vous n’avez pas réussi à convaincre ces prospects.
Si la qualité des relations avec son fournisseur, le manque d’ouverture ou une contre-attaque sur les prix sont tour à tour cités pour justifier l’échec, la véritable cause du refus est rarement déterminée avec certitude.
Ce dont on est certain, c’est que la faiblesse des taux de transformation en prospection est due à une résistance au changement particulièrement élevée chez les clients.
Elle pose d’autant plus de problèmes aux vendeurs qu’elle augmente avec le niveau de sensibilité du produit ou du service pour les prospects.
La résistance est proportionnelle à l’enjeu du changement pour les prospects.
Par exemple, un responsable de restaurant changera plus facilement de fournisseur de serviettes en papier que de fournisseur de poisson, même si le concurrent lui propose de meilleures conditions ou un meilleur service. Rationnellement, il devrait au moins essayer. Or, non seulement il ne le tente pas, mais quand bien même il donne sa chance au challenger, il restera le plus souvent avec son fournisseur habituel. Pourquoi cela ?
Les neurosciences nous apportent de précieux éléments pour comprendre nos modes de raisonnement et la prise de décision d’achat. Voici 5 constats universels, issus des travaux sur les biais cognitifs du psychologue et économiste Daniel Kahneman, essentiels pour décoder et mieux lever les résistances en prospection.
1. Les prospects ont beaucoup de mal à se détacher d’une première impression et à revenir sur une décision
La première impression est souvent considérée comme étant la plus judicieuse et un poids excessif dans la prise de décision lui est accordé. C’est ce que le biais d’ancrage, également appelé biais d’empreinte, nous laisse croire.
L'empire que le préjugé a sur nous n'a point, comme on le croit, sa source dans un faux jugement que l'on pourrait rectifier, mais dans une première impression qu'il est impossible d'effacer.
L’ancrage désigne la difficulté à se départir d'une première impression. Les informations perçues en premier se voient attribuer par le cerveau une plus grande force de persuasion que les autres. Plus on laisse passer de temps entre un ancrage et la tentative de s’en défaire, plus cela devient difficile. Les relations commerciales de longue date ont forgé des croyances qui sont devenues de solides convictions avec le temps. L’ancrage mental est un biais cognitif très puissant. Il s’appuie sur la façon dont les mémoires sont fabriquées dans notre cerveau pour persister.
Dans les relations commerciales, ce phénomène rend plus difficile le changement d'avis sur une personne qui nous est apparue crédible. Inversement, faire confiance à quelqu'un qui nous a fait une première impression négative est quasi impossible.
D’où la célèbre expression, bien connue des commerciaux :
On n’a pas deux chances de faire une bonne première impression.
Avec les nouveaux parcours d’achat, souvent démarrés en ligne, la maîtrise de cette première impression est plus complexe à gérer puisqu’elle ne repose pas uniquement sur un entretien en face-à-face bien préparé pour séduire, mais sur différentes formes d’interactions plus ou moins maîtrisées.
Quelle est l’impression laissée à l’issue des premières interactions entre les prospects et l’entreprise ?
Que ce soit la lecture d’un article, la visite du site de la société, un échange via les réseaux sociaux, une rencontre physique lors d’un événement ou une présentation écrite, la première trace laissée dans les esprits a plus l’influence que les suivantes.
Aussi, toutes les formes de communication doivent être traitées avec le même degré de vigilance, car susceptibles d’être la première interaction avec les prospects, celle qui laisse une empreinte plus profonde.
2. Les prospects vont jusqu’à éviter scrupuleusement les informations qui peuvent remettre en cause leurs opinions
Le biais de confirmation est la tendance, très commune, à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment nos croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent. On en mesure les conséquences lors des échanges commerciaux.
On comprend mieux la difficulté à obtenir un rendez-vous avec un « prospect froid » qui a compris qu’on allait lui expliquer qu’il a fait le mauvais choix jusqu’à maintenant, et que ses convictions vont être remises en cause alors qu’il considère que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Les sots et les ignorants sont tenaces ; moins ils ont d'idées, et plus ils y tiennent. / Pierre-Claude-Victor Boiste
Comme on dit du journaliste moyen qu’il « n'écoute pas votre réponse à sa question mais son préjugé », il en va de même du prospect qui prête une écoute plus attentive et accorde plus de crédit à ce qui le conforte dans ses croyances que l’inverse.
Si quelqu'un tentait d'identifier un seul aspect de la problématique du raisonnement humain méritant de l'attention sur tous les autres, le biais de confirmation serait, de tous les candidats possibles, le plus à prendre en considération. Le biais peut aller jusqu’à éviter de se mettre en contact avec une source d’information virtuelle ou réelle qui pourrait remettre en question nos croyances ou nos habitudes d’achat. / Raymond Nickerson
Aussi les croyances de départ sont-elles d’autant plus confortées qu’elles ne sont pas confrontées à une position contradictoire.
L’explication la plus probable de cette influence excessive de « l'information confirmante », qui pousse à ne creuser qu’une seule hypothèse et à s’y enfermer, est qu'elle est plus facile à traiter par le cerveau.
L’énergie suit le chemin de la moindre résistance
Ces convictions sont profondément ancrées puisque l’on mémorise davantage ce qui conforte que ce qui remet en cause. Même si les prospects entament une recherche suite à un doute sur une solution ou un fournisseur, lorsqu‘il creusera sa mémoire pour trouver des données en rapport à son choix, il y aura plus de chances qu’il mémorise ce qui le conforte dans sa position initiale.
La mémoire est un crible qui laisse s'échapper le mauvais et qui retient le bon. / John Petit-Senn
3. Les prospects n’aiment pas que leurs convictions soient remises en cause
Lors d’échanges d’idées, on aura tendance à vouloir conserver ses propres idées aux dépens de celles des autres. Admettre que deux idées puissent être justes amène un inconfort dont on essaie de se débarrasser en éliminant les contradictions. On parle alors de « dissonance cognitive ».
Voir un de ses raisonnements démontré comme faux est douloureux, car on se dépossède d’une cohérence des idées que l’on tenait pour acquise. Une remise en cause violente des habitudes comme une argumentation agressive contre le fournisseur en place sont psychologiquement rejetées même si elles s’avèrent rationnellement justifiées.
Nous créons ainsi de la résistance par une forme de communication inadaptée.
Progresser en prospection nécessite un accompagnement en douceur pour aider les prospects à envisager une solution alternative.
Les prospects voient le fournisseur en place plus beau qu’il n’est en réalité !
Une caractéristique jugée positive à propos d'une personne, a tendance à rendre plus positives les autres caractéristiques de cette personne, même sans les connaître. Une sorte d’effet de contamination appelé « halo » qui explique en partie la fidélité et la consolidation de la relation commerciale dans la durée.
Le fournisseur en place bénéficie de cet état de grâce. Dès lors que l’on n’a pas de reproches significatifs à lui faire, on aura globalement un a priori positif sur des aspects méconnus de son offre ou de la relation. La lecture des résultats d’enquêtes de satisfaction en apporte la preuve chaque jour. On trouve des notes très élevées sur des caractéristiques que le fournisseur ne possède pas !
Une argumentation trop offensive à son encontre peut même provoquer auprès des prospects l’effet inverse de celui désiré et renforcer sa position, c’est le « retour de flamme ».
Touche pas à mon pote ! / Didier François
Attaquer frontalement le fournisseur en place présente donc des risques importants et inutiles. En revanche, il est préférable de mettre en valeur et d’insister sur les avantages communs avec le fournisseur en place afin de permettre au prospect de mobiliser ce biais de mémorisation, puis de mettre en avant, non pas les différences mais les « avantages complémentaires » du nouveau fournisseur.
5. Les prospects cherchent à privilégier le maintien des choses en l’état tant que c’est possible
Nous préférons que les choses restent à l'identique ou évoluent le moins possible si l'on ne peut faire autrement : c’est le biais de statu quo. La tendance à préférer laisser les choses telles qu'elles sont, est due au fait qu’un changement et la nouveauté semblent toujours apporter plus de risques et d'inconvénients que d'avantages éventuels.
Le statu quo est simplement moins impliquant qu'une prise de décision qui fait courir le risque de l'erreur.
Le meilleur moyen pour vivre paisiblement est de préférer les plaisirs de l'habitude à ceux du changement.
Commercialement parlant, ce biais explique des choix qui ne sont pas les plus rationnels mais les moins dérangeants, comme continuer avec le fournisseur en place même si la concurrence propose des solutions alternatives intéressantes.
Plus une décision est complexe et difficile à prendre, plus les individus ont tendance à privilégier le statu quo, car l'angoisse d'avoir à le regretter incite à la prudence.
Nous privilégions, en toute chose, le chemin le moins risqué.
L’élimination des freins à l’achat est une composante majeure de la démarche de prospection : donner des garanties de résultats, demander un engagement sur une durée limitée ou simplement proposer un test préalable à l’engagement définitif sont très efficaces pour faciliter la prise de décision des prospects.
En résumé :
Respectons et acceptons la position initiale des prospects ! L’attaque frontale est souvent contre-productive.
L'art de persuader consiste autant en celui d'agréer qu'en celui de convaincre. / Blaise Pascal, De l'art de persuader (1657)
Soyons raisonnables! Pourquoi vouloir faire à la place quand on peut faire avec le concurrent quand c’est possible ? Cela évite aux prospects d’affronter une rupture brutale et définitive avec leur fournisseur habituel alors qu’ils ne sont pas encore totalement convaincus. Un minimum de vécu commun facilitera les choses !
Soyons patients ! Pas de précipitation avec les prospects, accepter de changer demande du temps. Procédons par étapes et engagements progressifs.
Le succès en prospection est un chemin que la patience et la persévérance rendent accessible.
Faisons au plus simple ! Dans une proposition, Evitons les changements non indispensables ou qui remettent en cause des valeurs, habitudes et croyances fortement ancrées.
Les hommes changent peu d'opinion comme ils changent peu d'habitudes.
Soyons collaboratifs ! Vendre n’est pas imposer mais aider un client à prendre une décision.
La proposition la plus pertinente sera toujours celle bâtie avec les prospects